LES POINTS MARQUANTS
- Les entrepreneurs djiboutiens se heurtent à de nombreux obstacles, dont notamment le manque de capital de départ et de formation.
- Plus de 2 350 créateurs d’entreprise ont désormais accès à des financements grâce à un projet de la Banque mondiale.
- Le projet aide les entrepreneurs à structurer leurs activités et intégrer l’économie formelle.
Les porteurs de projets se heurtent à de nombreux obstacles dans le pays, notamment le manque de capital de départ qui met le lancement d’une entreprise hors de portée de nombreux Djiboutiens. Mais aujourd’hui, la situation est en train de changer. Un projet de la Banque mondiale, financé à hauteur de 15 millions de dollars et mis en œuvre à Djibouti par le Centre de leadership et de l’entrepreneuriat (CLE), a déjà aidé plus de 727 entreprises à se structurer et intégrer l’économie formelle. Comme dans de nombreux pays, les entrepreneurs individuels travaillent dans le secteur informel, avec un accès limité au financement pour développer leurs activités, une lacune que le projet cherche à combler.
Le projet d’appui à l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes à Djibouti a ouvert l’accès au financement à plus de 2 350 entrepreneurs et le CLE a jusqu’à présent soutenu plus de 20 start-up, en leur fournissant environ 65 000 dollars de capitaux de départ. Dans le paysage entrepreneurial djiboutien, qui n’est encore que balbutiant, ces résultats représentent un vrai changement et offrent une voie nouvelle aux entreprises naissantes.
Le projet a éalement soutenu le déploiement du fonds de garantie partielle de crédit pour les PME de Djibouti, qui a mobilisé plus de 2 millions de dollars d’investissements de la part des banques participantes et permis à plus de 150 PME du pays d’accéder à un financement bancaire et de continuer à développer leurs activités.
Voici l’histoire de quatre entrepreneurs dynamiques qui ont pu surmonter les difficultés et réaliser leurs rêves grâce au soutien apporté par le projet.
De jeune père à chef d’entreprise prospère (Sopseco)
Abdillahi Ibrahim est un jeune homme originaire de Balbala, banlieue pauvre de la ville de Djibouti. Père de quatre enfants, il a lancé son entreprise, Sopseco, après avoir participé au programme d’incubation du CLE. L’entrepreneur a pu concrétiser son idée de fabriquer des sacs biodégradables personnalisables après avoir participé aux formations du Centre. « L’incubateur m’a beaucoup aidé, en particulier la formation sur la manière de mener à bien un projet ou les études de marché, explique-t-il. J’avais bien une idée, mais je ne savais pas comment lancer le projet. »
Et en effet, l’acquisition de connaissances clés, le développement de compétences spécifiques ou encore les ateliers de génération d’idées permettent aux entrepreneurs de valider la pertinence de leur concept, de créer des réseaux solides et d’accéder à des ressources précieuses, ce qui accroît considérablement leurs chances de succès lorsqu’ils se lancent. Aujourd’hui, Sopseco emploie huit salariés rémunérés à la journée et vend ses sacs biodégradables dans deux boutiques. D’ici un an et grâce au programme d’accélération du CLE, Abdillahi Ibrahim prévoit d’embaucher 15 personnes et d’être présent dans dix magasins à travers le pays.
Un étudiant en médecine passionné par la technologie (Medyc)
Étudiant en médecine, Moubarik Mahamoud a emprunté le chemin de l’entrepreneuriat pendant une année sabbatique. Avant de reprendre ses études de médecine et après un séjour en Guinée, il a travaillé sur son projet d’entreprise de télémédecine.
Fort de sa passion pour l’informatique et de ses connaissances médicales, il a fondé Medyc, une plateforme de téléconsultations en ligne. Il a postulé au premier programme d’incubation du CLE en septembre 2019 et a été l’un des premiers entrepreneurs à en bénéficier. Le soutien et l’accompagnement qu’il a reçus ont joué un rôle déterminant dans son parcours.
Outre la formation et le financement de démarrage, Moubarik a pu nouer de nombreux contacts grâce aux sessions de réseautage. Cependant, pour lui, l’impact majeur a été la crédibilité et la visibilité apportées par le projet. « Un matin, j’ai envoyé un courriel à la direction générale de la Caisse nationale de sécurité sociale de Djibouti pour lui proposer ma solution et, tout de suite, elle a répondu positivement, raconte-t-il. C’est comme ça que j’ai trouvé non seulement mon premier client, mais aussi le plus important de mon portefeuille. » Grâce à ce contrat, sa start-up a pu lever 107 000 euros auprès d’investisseurs internationaux dans le cadre d’un accord simplifié de participation future (ou SAFE, pour Simple Agreement for Future Equity), devenant ainsi la première start-up djiboutienne à connaître un tel succès au-delà de ses frontières. Aujourd’hui, la société poursuit sa croissance grâce au programme d’accélération du CLE.
De technicien à expert en efficacité énergétique (MnergySol)
Abdillahi Ahmed était technicien principal dans une grande entreprise djiboutienne avant de décider de donner une autre orientation à sa vie. Il a lancé un projet axé sur la maîtrise de l’énergie et a été accepté dans le programme d’incubation du CLE. Grâce à une formation et à un accompagnement, il a créé une entreprise qui propose des services de conseil et d’audit en matière d’efficacité énergétique et a créé des prototypes de matériaux de construction écologiques et bioclimatiques.
« Pour moi et mon équipe, le coaching dont nous avons bénéficié dans le cadre de l’incubateur a joué un rôle inestimable. Nous avons traversé plusieurs moments difficiles pendant lesquels nous remettions notre projet en question, témoigne l’entrepreneur. Sans les séances d’accompagnement, nous n’en serions probablement pas là aujourd’hui. Elles nous ont motivés et donné le sentiment de ne pas être seuls dans cette aventure. »
À présent, l’entreprise est solide, avec deux techniciens qui travaillent dans l’atelier, et Abdillahi Ahmed envisage d’embaucher d’autres salariés. Il aimerait positionner son entreprise comme un acteur majeur du secteur de l’énergie à Djibouti, mais son objectif principal est de sensibiliser et d’éduquer davantage les clients à la construction de logements bioclimatiques et de promouvoir une consommation d’énergie efficace.
Proposer des produits d’hygiène de qualité pour les mamans et les bébés (Amoyta)
Jeune mère et cheffe d’entreprise, Radia Ali était en proie à des doutes et à des craintes lors de la création de sa société, mais elle a persévéré grâce à sa détermination et au soutien de sa famille et de ses amis. Son entreprise, Amoyta, spécialisée dans les produits d’hygiène pour les bébés et les femmes, rencontrait des difficultés d’accès au financement. Lors de plusieurs tentatives auprès de banques locales, Radia Ali et son mari s’étaient vu refuser des prêts malgré un modèle d’entreprise et des chiffres prometteurs. « Les banques n’étaient pas compréhensives, dit-elle, c’est pourquoi nous remercions sincèrement le fonds de garantie partielle qui a été là pour nous soutenir. »
Ce fonds de garantie a aidé la porteuse de projet à obtenir un financement bancaire pour investir et développer son entreprise, une aide cruciale pour le lancement de son activité et pour lui ouvrir des portes. « Nous avons réussi à gagner la confiance des banques, raconte-t-elle. Et d’ailleurs, aujourd’hui, nous en sommes à notre troisième prêt et nous allons lancer de nouveaux produits. » Le financement a permis d’accroître la production d’Amoyta, qui propose désormais des couches pour bébés de différentes tailles, ainsi que des serviettes hygiéniques et des produits d’hygiène pour bébés.
Mais selon Radia Ali, le chemin est encore long. Malgré l’augmentation du nombre de femmes dans la sphère entrepreneuriale djiboutienne, leur accès au financement reste une gageure. La cheffe d’entreprise explique que ces femmes exercent dans le secteur informel en raison du manque de financement et de soutien officiel, et qu’elles finissent par préférer y rester.
Depuis son lancement, le projet d’appui à l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes a réussi à faciliter la création d’entreprise à Djibouti grâce à un large éventail de programmes de sensibilisation. Des ateliers de génération d’idées, des rencontres avec des entrepreneurs locaux et internationaux, ainsi que l’organisation de la Semaine de l’entrepreneuriat ont contribué à changer la perception de la création d’entreprise dans le pays. Néanmoins, en dépit de l’enthousiasme des jeunes pour la création d’entreprise avec un tel soutien, Djibouti a encore beaucoup à faire pour la phase suivante : encourager le lancement de start-up, les aider à poursuivre leur développement et soutenir les PME au-delà des premières étapes de leur activité.
Banque Mondiale